2021

Communications


Lelièvre Samuel, « Ricœur, la nature, et la crise écologique [Ricoeur, nature, and ecological crisis] », 2021 Society for Ricoeur Studies Conference, Toronto (Canada), 09 octobre 2021. 

Résumé: Cette présentation est un essai de réflexion sur la crise écologique à partir de la philosophie ricœurienne. Est-ce que cette dernière peut nous aider à affronter les notions d’urgence liées à la crise climatique et de défis globaux à moyens et longs termes, c’est-à-dire des défis renvoyant à la place de l’humanité au sein du vivant ? La pensée ricœurienne au sujet de la question de l’écologie est inséparable d’une philosophie de la nature et de la vie ; en ce sens, elle inclut une dimension critique à l’égard de certains discours écologiques et antiécologiques – dans le contexte français, des débats ont notamment eu lieu durant les années 1990 et Ricœur a été conduit à préciser son positionnement. Mais s’il n’existe que très peu de textes de Ricœur se rapportant directement à l’écologie, son approche du sujet réclame un approfondissement. On peut même penser qu’une pensée de la nature et de l’écologie déborde du cadre limité des textes de Ricœur traitant de ce sujet et qu’elle peut davantage est déduite d’une philosophie de la vie et de la nature qui s’élabore depuis la Philosophie de la volonté. Par ailleurs, il est nécessaire de mettre en avant le fait que la situation contemporaine implique une certaine révision de la critique du catastrophisme. Or, la pensée ricœurienne pourrait correspondre au cadre d’une telle critique. Pour autant, elle renvoie aussi à des notions de mal et à une pensée de la finitude à partir desquelles peuvent être appréhendées des notions d’urgence et la nécessité d’un changement de paradigme à grande échelle. Au niveau politique ou social, la crise écologique renvoie à la possibilité, qui ne peut désormais plus être écartée, d’une perte de contrôle et d’effondrement (collapse) des éléments structurants de la société, des institutions, ainsi que des divers dispositifs de sécurité devant anticiper des crises majeures.

Abstract: This presentation reflects on the ecological crisis from the standpoint of Ricoeur’s philosophy. Could it help us to confront the notions of urgency linked to the climate crisis and global challenges in medium to long-term, i.e. challenges referring to the place of humanity within the living world? Ricoeur’s thinking on ecology cannot separated from his philosophy of the living and nature; in that sense, it critically addresses ecological and anti-ecological discourses – in the French context, a debate notably occurs in the 1990s and Ricoeur was led to clarify his position. Texts by Ricoeur about the issue of ecology are rare; but his approach needs to be examined more deeply. One could even consider that his approach to nature and ecology goes beyond texts dealing directly with those topics and should be rather inferred from a philosophy of the living and nature elaborated since Philosophy of the Will. Furthermore, the contemporary situation would need to reconsidering a critique of catastrophism. If Ricoeur’s ideological direction could be akin to such critique, it also refers to concepts of evil and finitude which introduce a notion of urgency and the need for a large-scale paradigm change. At the political or social levels, the ecological crisis refers to the possibility, which can no longer be ruled out, of control loss and collapse within the structuring elements of society, of institution, and of various safety mechanisms designed to anticipate major crises.


Lelièvre Samuel, « Métaphore, philosophie de l’art, et herméneutique. Une lecture croisée de Ricœur et Danto [Metaphor, philosophy of art, and hermeneutics. A cross-reading of Ricoeur and Danto] », atelier d’été Fonds Ricœur / Society for Ricoeur Studies, Fonds Ricœur / IPT, Paris (France), 18 juin 2021. 

Résumé: Le modèle métaphorique peut être pensé comme celui à partir duquel s’élabore un discours sur l’esthétique chez Ricœur en lien avec la perspective d’une philosophie de l’art. Un tel modèle apparaît explicitement de la Métaphore vive (1975) au dernier chapitre de La critique et la conviction (1995). Il doit aussi être compris en lien avec le parcours antérieur sur la question du symbolisme, notamment dans le parcours du second volume de la Philosophie de la volonté (1960) jusqu’à ce qui précède la Métaphore vive en passant par De l’interprétation (1965) où des références au domaine de l’art apparaissent et sont assez significatives. La conception tensionaliste du symbole est notamment illustrée par un article de synthèse « Signe et sens » (1972) avant la Métaphore vive. Si Ricœur a placé Temps et récit dans la continuité de La Métaphore vive – en en faisant le corps de sa contribution à l’esthétique –, la question du symbole et de l’ontologie nous semble au centre d’un modèle herméneutique dans lequel l’esthétique et l’art ont une place importante à jouer. Durant la même période, le philosophe américain Arthur Danto a également mis en œuvre une philosophie de l’art accordant une place centrale à la métaphore. De plus, il a suggéré, à partir d’un recherche s’ancrant dans la philosophie analytique, la possibilité et l’intérêt d’une perspective herméneutique. Cette communication revient sur les points de similarité et de différence entre l’approche de Ricœur et celle de Danto ; plus précisément, elle revient sur le croisement qu’il serait possible de faire entre les deux approches, au titre de points de similarités, avant leur éloignement progressif l’un vis-à-vis de l’autre, dans leur parcours respectif sur les questions de la métaphore et du récit.

Abstract: Through its possible connection to a philosophy of art, Ricoeur’s discourse on aesthetics would tend to give some significance to the metaphorical model. This model appears explicitly from the Rule of the Metaphor (1975) to the last chapter of Critique and Conviction (1995). It must also be understood in relation to the earlier work on the question of symbolism, especially in the development from the second volume of the Philosophy of the Will (1960) up to the threshold of the Rule of the Metaphor via Freud and Philosophy (1965) where references to the field of art are significant. A tensionalist conception of the symbol is notably illustrated by an article, “Sign and Meaning”(1972), published before the Rule of the Metaphor. If Ricoeur placed Time and Narrative in the continuity with the Rule of the Metaphor – making it his main contribution to aesthetics –, the issue of symbolism and ontology seems to be at the core of a hermeneutical model in which aesthetics and art play a decisive role. During the same period, the American philosopher Arthur Danto also developed a philosophy of art where a central place is given to metaphor. Although enrooted in analytic philosophy, this research also shows an interest in a hermeneutic perspective. This paper will look at the similarities and differences between Ricoeur’s and Danto’s approaches; more precisely, it will look at the possible cross-over between the two approaches, with regards to points of similarity, before their progressive differentiation, on the issues of metaphor and narrative, become most obvious.


Lelièvre Samuel, « Art, communication, et esthétique dans l’herméneutique de Schleiermacher [Art, communication, and aesthetics in Schleiermacher’s hermeneutics] », internationalen Schleiermacher-Kongress 2021, Paris / Berlin (France / Allemagne), 28 mai 2021. 

Résumé: Cette présentation se focalise sur l’approche schleiermacherienne de l’esthétique et le paradoxe qui résulterait, selon une lecture contemporaine, entre le fait de tenir ensemble la dimension communicative de l’esthétique et la dimension productive de l’art ou, devrait-on dire, la dimension communicative de l’art et la dimension productive de l’esthétique. N’est-il pas requis, selon une lecture qui rapprocherait en partie l’Hermès de Michel Serres et les développements post-habermassiens en esthétique philosophique, de faire de la « communication » ce qui nous éloigne de la non-communication de la « production » – relative à l’idiosyncrasie du génie artistique, selon un héritage du romantisme, ou éventuellement à celle d’un sujet aliéné, selon une perspective plus problématique – et de distinguer strictement les plans de l’esthétique et de l’artistique ? Ou, à l’inverse, est-il nécessaire, selon une approche pragmatique de l’esthétique, de rapporter la superposition de l’artistique et de l’esthétique au principe d’une communication s’arrimant à un principe d’universalité et à une éthique en s’éloignant d’une certaine singularité de l’expérience artistique ? L’objectif de cette présentation est de revenir sur l’universalité anthropologique de l’art et de l’esthétique dans l’herméneutique de Schleiermacher en tant qu’elle implique un concept de communication inséparable des activités productives humaines et en tant que ces dernières participent, en retour, du lien de nécessité entre raison et communication ou langage. L’approche schleiermacherienne de l’esthétique se rattache à un système philosophique qui, à la suite de la Dialectique et de l’Ethique, prend en charge le rapport raison-nature et constitue une manière de combler l’écart entre physique et éthique qui pourrait être repérable dans le criticisme kantien. Le sentiment est au point de départ de la « productivité » comme de la « réceptivité » ; il relève par ailleurs des plans de la connaissance et de la raison ; s’il ne renvoie pas à un concept, comme dans la pensée théorique, il s’incarne dans un archétype et est lié au travail de l’imagination. On ne peut réduire l’approche de Schleiermacher à une « esthétique du romantisme » (Dilthey) ou une conception expressive de l’esthétique (Croce). Prolongeant la valorisation de la connaissance sensible engagée par Baumgarten dans Aesthetica, le jeu de l’entendement et de l’imagination dans la subjectivisation de l’esthétique que Kant élabore avec la Critique de la faculté de juger, et l’universalité d’un élan du jeu selon Schiller dans ses Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Schleiermacher s’en tient néanmoins au plan d’un faire constitutif de l’individualité et à travers lequel une communauté humaine se constitue. Finalement, la conception schleiermacherienne de la communication désignerait, dans le champ de l’art et de l’esthétique, une voie étroite par laquelle une approche herméneutique semble irréductible aux conceptions post-heideggériennes d’une herméneutique philosophique ainsi qu’aux critiques contemporaines de l’herméneutique formulées à partir de ces dernières conceptions.

Abstract: This presentation aims at Schleiermacher’s approach to aesthetics and the paradox that, from a contemporary standpoint, would appear between the fact of holding together the communicative dimension of aesthetics and the productive dimension of art or, should one say, the communicative dimension of art and the productive dimension of aesthetics. Is it not necessary, in a manner that would bring closer together Michel Serres’s Hermes and post-Habermasian developments in aesthetics, to consider “communication” as what makes precisely a difference with the non-communication of “production” – such as related to the idiosyncrasy of an artistic genius, inherited from a romantic ideology, or maybe to that of an alienated subject, according to a more problematic perspective – and therefore to strictly differentiate the aesthetic and the artistic? Or, conversely, is it necessary, according to a pragmatic approach to aesthetics, to understand a convergence of the artistic and the aesthetic through a communication that infers a principle of universality and an ethical dimension, and distancing itself somehow from a singularity of the artistic experience? The aim of this paper is to return to the anthropological universality of art and aesthetics in Schleiermacher’s hermeneutics by considering a concept of communication as being necessarily attached to human productive activities and relying on a path between reason and communication or language. Schleiermacher’s approach to aesthetics belongs to a philosophical system that, in the wake of the Dialectics and the Ethics, takes charge of the relationship between reason and nature and constitutes a way of bridging the gap between physics and ethics characterizing Kant’s system of criticism. Feeling is the starting point of both “productivity” and “receptivity”; it is also inseparable from knowledge and reason; if it does not refer to a concept, like in theoretical thought, it is embodied in an archetype and is related to productive imagination. Schleiermacher’s approach cannot be reduced to an “aesthetic of romanticism” (Dilthey) or an expressive conception of aesthetics (Croce). Extending Baumgarten’s valorisation of sensible knowledge in Aesthetica, the interplay of understanding and imagination in the subjectivation of aesthetics in Kant’s Critique of Judgement, and Schiller’s universality of an impulse to play in his Letters upon the Aesthetic Education of Man, Schleiermacher nonetheless sticks to the level of a doing that is constitutive of the individual and through which a human community is constituted. Finally, Schleiermacher’s conception of communication might point to a narrow path in philosophical aesthetics by which it remains irreducible to the post-Heideggerian conceptions of a philosophical hermeneutics as well as to contemporary critiques towards hermeneutics formulated on the basis of these latter conceptions.


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